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Page:La Saga de Fridthjof le Fort, trad. Wagner, 1904.djvu/29

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secondaire et n’est que le lien destiné à mettre de la suite dans la succession des épisodes. Les situations émouvantes étaient évidemment le mieux connues et le plus souvent racontées, et les vers qui les dépeignaient étaient plus fidèlement que d’autres demeurés dans la mémoire. De là cette abondance de strophes qui, dans la saga encore, mettent ces passages en relief et leur donnent une animation exceptionnelle.

Ces strophes, à l’encontre de ce qui s’observe dans la plupart des productions du même genre et de la même époque, font partie intégrante du récit. Sans elles, maints épisodes, maintes peintures perdraient leur saveur, leur intérêt, leur signification, leur valeur propre ; elles resteraient incomplètes et même incompréhensibles. Cette particularité vient puissamment corroborer notre théorie en montrant qu’ici la poésie n’est pas un pur étalage d’érudition, un vain échafaudage de mots et de figures, sans vrai rapport avec le texte, ajouté par le scalde dans l’unique but d’émailler son œuvre de fleurs de rhétorique et de l’agrémenter d’images soi-disant poétiques ; bien au contraire, elle appartient d’une manière intime et inséparable à l’histoire même dont elle constitue le fondement.

Le langage poétique, d’autre part, ne diffère pas sensiblement de celui de la prose ; il est simple et énergique, clair et naturel, dépourvu de toute recherche et affectation ; c’est le véritable langage épique et populaire de l’inspiration primitive, tel qu’on le trouve dans les plus anciens monuments littéraires. Or, pour les scaldes des siècles postérieurs, le sentiment de l’expression littéraire n’est rien, le souci de la complication métrique prime tout. Partant de ce principe erroné, ils ont rempli leurs vers des tournures les plus étranges, des formes les plus bizarres, des figures les plus énigmatiques que l’on puisse