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Page:La Vérité sur Tahiti - Affaire de la Roncière.djvu/14

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moi. Il était trop habile pour me parler du procès, mais il me fit un éloge pompeux du sieur Longomazino son ami, et je compris que c’était une semence qu’il venait jeter dans mon esprit, et qu’il désirait voir fructifier pour le procès du lendemain.

À l’audience, les faits suivants vinrent se dérouler devant nous.

En 1866, Longomazino, nommé juge impérial par M. de la Roncière, reçut également de la reine des îles de la Société la présidence de la cour indigène. Désirant se faire édifier un hôtel en rapport avec ses nouvelles fonctions, il jette son dévolu sur le seul terrain du quai près de la mer qui ne fût pas encore bâti. Ce terrain appartenait par indivis à toute une famille de Taïtiens indigènes, et, malgré les offres brillantes faites par plusieurs Européens, on n’avait jusqu’à ce jour consenti à le vendre à aucun prix. Longomazino fait à son tour des propositions qui sont repoussées…

Chose incroyable, moins de quinze jours après une femme Vahineheau, mineure alors, co-propriétaire de ce terrain, vient, dans un procès contre sa famille, réclamer la propriété exclusive de ce terrain ; la mère, les oncles, les tantes, une de ses sœurs, sont à l’audience, ils s’opposent à ces absurdes prétentions…, rien n’y fait… Le juge impérial Longomazino adjuge séance tenante la propriété de ce terrain à la fille mineure Vahineheau, malgré les protestations de toute sa famille !

Les spoliés voulurent se plaindre… Le juge étouffa tout avec la police. Il est au dossier une pièce curieuse. M. Bonnet, directeur des affaires indigènes, ami de Longomazino, conclut dans un rapport à la déportation de la mère de la mineure Vahineheau, parce que, dit ce rapport, elle s’oppose à l’exécution des arrêts de la justice…