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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/134

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

cette solitude et l’autre oreiller ne me gênait guère.

Peu à peu, l’ennui est venu. Les jours m’ont semblé plus longs, plus tristes, les soirs moins lumineux, les nuits plus insupportables.

Et même, j’ai voulu savoir. Oui, j’ai voulu me rendre compte si la bête réellement parlait en moi ; et j’ai pris un homme, un grand garçon roux et maigre… C’était un soir, la semaine dernière ; j’étais au Luxembourg, avant dîner ; des couples de pigeons picoraient l’herbe, auprès de moi. Les filles du quartier latin passaient, insolentes et chercheuses, en faisant ballotter leur poitrine et leur derrière dans un déhanchement lascif. Des hommes allaient par groupes, à petits pas, en causant.

Et voilà que le grand garçon roux et maigre s’assit près de moi, en lorgnant de mon côté.

— Il fait vraiment beau, ce soir.

— ???

— Oui, il fait moins chaud. On aura p’t’être un orage cette nuit.

— Ah !

— Voyez, là-bas, comme le ciel s’assombrit,