Aller au contenu

Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

aimerons… Eh ! peut-être aurons-nous des enfants… Moi, je veux une petite fille d’abord et puis après, peut-être un garçon, mais ça ne me dit rien, les garçons… Et, nous resterons toujours à l’hôpital, jusqu’à la retraite, jusqu’au grand repos…

Suis-je bête, hein, de rêvasser ces choses ! Comme si tout pouvait marcher selon nos désirs… Ah ! ce serait trop beau. Je me contente du présent. Le présent seul importe… Fini, le passé… disparu ! L’avenir ? À quoi bon se faire du mauvais sang. Aujourd’hui, il fait jour… Demain aussi, il fera jour. Alors, profitons du jour d’aujourd’hui.

C’est drôle… Parmi les tableaux ou sombres ou amusants qui ont défilé devant mes yeux durant cette journée, un seul persiste à m’assaillir… Je l’ai constamment devant mes prunelles, je le vois et j’ai une émotion singulière à me souvenir… Oui, je revois le joli brun, l’étudiant, dont les yeux noirs, immenses et profonds se sont rivés sur les miens ; je revois cet ovale pur, ce teint mat, presque transparent, cette barbe aux reflets d’acier et cette allure souple, élégante, presque féminine…

Ah ! joli brun, joli brun…