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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/224

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

capable de m’abandonner, et j’aime mieux me jeter à la Seine tout de suite… Qu’est-ce que je deviendrais, toute seule ?

Georges ne se doute de rien et je me suis bien gardée de le renseigner. Il croit que c’est un coup de chance et que ces malades que je soigne sont envoyés par son professeur. Ah, s’il savait, le pauvre amour, s’il pouvait voir mes « malades » ! J’en ai un surtout qui est extraordinaire. C’est un ancien colonel de cuirassiers, un homme superbe, grand, musclé, une sorte d’Hercule, quoi ! Il est riche et naturellement, il a tant sacrifié à Vénus qu’il ne vaut plus rien, maintenant.

Il est vidé jusqu’aux moelles, et la plus belle femme, la croupe la plus ardente, les scènes les plus libidineuses lui font autant d’effets qu’un cataplasme sur un bras en caoutchouc.

Avec lui, il faut employer des moyens militaires, un vrai traitement de cuirassier.

Il vient deux fois par semaine et avant de se mettre en route il avale je ne sais combien de dragées d’Hercule et une douzaine de jaunes d’œufs battus dans une solution de piment et d’épices à arracher le palais.