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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/84

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

vais éviter la loi fatale de ma destinée. Tant que j’avais été soutenue par ce sentiment matériel de ma pureté, j’avais été forte pour lutter contre certains appétits, mal définis, contre certaines ardeurs qui me faisaient souhaiter la matérialisation des héros de mes lectures. Et maintenant, cette force s’en était allée et je me sentais à la merci du premier homme qui me saurait prendre. Je me sentais incapable de recommencer la lutte où je savais que je succomberai inévitablement, puisque j’étais une proie sans courage et sans volonté, jetée en pâture au désir de l’homme.

Mais tout, oui tout, la mort même plutôt que de subir encore le grand-duc. Oh ! de quelle haine je me sentais animée contre cet être sans cœur et sans dignité qui venait de briser ma vie et de me jeter à l’égout. J’appelais sur sa tête toutes les colères du ciel, toutes les rancunes de la terre et je bénissais par avance le nihiliste justicier dont la bombe vengeresse supprimerait cette existence infâme.

Mais, au milieu de mes rêves de vengeance passait la douce image de la duchesse dont le regard sympathique, et la voix caressante