Aller au contenu

Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

forme qui, dans une œuvre littéraire, nous attire et nous retient ; c’est aussi le sentiment qu’elle exprime, l’état de civilisation qu’elle évoque, la qualité d’âme qui s’y laisse entrevoir. La vie tout entière d’une race se reflète dans sa littérature, et en regardant la liste des auteurs publiés par la Renaissance du Livre, on voit clairement que c’est cette pensée qui a inspiré le choix si judicieux de Jean Gillequin.

De ce point de vue, la publication de ce volume de chansons n’a plus à se justifier, elle s’impose. De toutes les formes d’art, la chanson est peut-être celle qui est le plus intimement mêlée à la vie. Toute imprégnée de réalité,elle est merveilleusement apte à nous conserver l’image fraîche des mœurs d’autrefois et à nous révéler les traits durables de notre caractère national. En elle transparaît le visage du passé. Dans la chanson française c’est toute l’âme de la France qui revit, tour à tour légère et profonde, tendrement ou frivolement amoureuse, dévote et sans respect, spirituelle jusqu’au scepticisme, passionnée jusqu’au fanatisme, passant de la gaillarde insouciance d’un air à boire à la frénésie des chants révolutionnaires.

Aussi a-t-on fait dans ce recueil une place assez importante à la chanson populaire : si elle n’a que des rapports assez lointains avec la littérature proprement dite, elle est, plus que tous les genres littéraires, capable d’évoquer ces caractères de la race, ces états d’âme collectifs que nous aimons à retrouver dans la chanson. Car elle est œuvre collective, anonyme, l’œuvre d’un peuple tout entier. On ne sait comment elle est née, comment elle a grandi. Un homme que la vie froisse ou caresse a chanté sa peine ou son bonheur ; ce chant si simple, rudimentaire, souvent puéril, passe de bouche en bouche, il s’enrichit des