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Page:Labé - Élégies et Sonnets, Sansot, 1910.djvu/57

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ÉLÉGIES


Et neanmoins tant peu ie m’en soucie,
Que seulement ne les en remercie :
Tu es tout seul, tout mon mal et mon bien :
Avec toy tout, et sans toy ie n’ay rien :
Et n’ayant rien qui plaise à ma pensee,
De tout plaisir me treuue delaissee,
Et pour plaisir, ennui saisir me vient.
Le regretter et plorer me conuient,
Et sur ce point entre en tel desconfort,
Que mile fois ie souhaite la mort.
Ainsi, Ami, ton absence lointeine
Depuis deus mois me tient en cette peine.
Ne viuant pas, mais mourant d’un Amour
Lequel m’occit dix mile fois le iour.
Reuien donq tot, si tu as quelque enuie
De me reuoir encor’ un coup en vie.
Et si la mort auant ton arriuee
Ha de mon corps l’aymante ame priuee.
Au moins un iour vien, habillé de deuil,
Enuironner le tour de mon cercueil.
Que plust à Dieu que lors fussent trouuez
Ces quatre vers en blanc marbre engrauez.