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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/27

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DE FOLIE ET D’AMOVR.


Ou ie n’ay ſu t’ofenſer, pour ne te voir, ou contre toy ſeule ha rebouché ma fleſche : qui eſt bien le plus eſtrange cas qui iamais m’auint. Ie penſois eſtre ſeul d’entre les Dieus, qui me rendiſſe inuiſible à eus meſmes quand bon me ſembloit : Et maintenant ay trouué qui m’a eſbloui les yeux. Aumoins di moy, quiconque ſois, ſi à l’aventure ma fleſche t’a frapee, & ſi elle t’a bleſſee.

folie.

Ne t’auoy ie bien dit, que ton arc & tes fleſches n’ont effort, que quand ie ſuis de la partie. Et pourautant qu’il ne m’a plu d’eſtre nauree, ton coup ha eſté ſans effort. Et ne t’esbahis ſi tu m’as perdue de vuë, car quand bon me ſemble, il n’y ha œil d’Aigle, ou de serpent Épidaurien, qui me ſache aperceuoir. Et ne plus ne moins que le Cameleon, ie prens quelquefois la ſemblance de ceus auprez deſquelz je ſuis.

amovr.

À ce que ie voy, tu dois eſtre quelque ſorciere ou enchantereſſe. Es tu point quelque Circe, ou Medee, ou quelque Fée ?

folie.

Tu m’outrages touſiours de paroles : & n’a tenu à toy que ne l’aye eſté de fait. Je suis Deeſſe, comme tu es Dieu : mon nom eſt Folie. Ie ſuis celle qui te fay grand, & abaiſſe à mon plaiſir. Tu laſches l’arc, & gettes les fleſches en l’air : mais ie les aſſois aus cœurs que ie veus. Quand tu te penſes plus grand qu’il est poſſible d’eſtre, lors par quelque petit deſpit ie te renge & re-