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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/292

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RECHERCHES SUR LA VIE


mérite, » voire, paraît-il, « maint et maint brave capitaine. » Ces hommes de qualité, eux, sacrifiaient sans peine à la jolie femme une grande partie de leurs préjugés ; ils pouvaient facilement, avec un peu d’esprit, s’excuser auprès des hautes et puissantes dames de cette sorte de mésalliance sociale, en disant que le talent, cette signature de Dieu, confère la noblesse aussi bien que la signature du Roi. Mais les hautes et puissantes dames n’aimaient pas à élever leurs pensers jusque-là : pour elles, toutes les raisons qui amenaient leurs fils, leurs frères ou leurs maris, dans la maison de Perrin, devenaient des motifs de suspicion, de jalousie et de haine. Celles qui avaient à leur service quelque lettré pouvaient connaître par ouï dire certain vers de Virgile que Racine devait traduire, et écraser de leur dédain cette cordière,

Fille, femme, sœur et tante de cordiers.


Louise Labé traînait d’ailleurs à son pied, comme un véritable boulet, toute une collection de cordiers, de bouchers, de meuniers, de barbiers, de cordonniers, ses parents ou les parents de ses parents, et, ce qui était bien pire encore, toute la partie féminine de leurs familles. Louise, en vraie grande dame qu’elle était, ne fut pas fière : elle les « hantoit fort privément, » témoin sa cousine Antonia Rollette. Mais que de fois tout ce monde, peut-être après avoir dîné chez elle, dut-il observer de la cuisine ce qui se passait au salon ou dans le jardin ? Voit-on la maîtresse de la maison, fière de la visite d’un