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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/31

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DE FOLIE ET D’AMOVR.



amovr.

Mais ou auois tu pris ce bandeau ſi à propos pour me lier mes plaies ?

folie.

En venant i’ay trouué une des Parques, qui me l’a baillé, & m’a dit eſtre de telle nature, que iamais ne te pourra eſtre oté.

amovr.

Comment oté ! ie ſuis donq aveugle à iamais. Ô meſchante & traytreſſe ! il ne te ſuffit pas de m’auoir creué les yeus, mais tu as oté aus Dieus la puiſſance de me les pouuoir iamais rendre. Ô qu’il n’eſt pas dit ſans cauſe, qu’il ne faut point receuoir preſent de la main de ſes ennemis. La malheureuſe m’a bleſsé, & me ſuis mis entre ſes mains pour eſtre pensé. Ô cruelles Deſtinees ! Ô noire iournee ! Ô moy trop credule ! Ciel, Terre, Mer, n’aurez-vous compaſſion de voir Amour aveugle ? Ô infame & deteſtable, tu te vanteras que ne t’ay pù fraper, que tu m’as oté les yeus, & trompé en me fiant en toy. Mais que me ſert de plorer ici ? Il vaut mieus que me retire en quelque lieu apart, & laiſſe paſſer ce feſtin. Puis, s’il eſt ainſi que i’aye tant de faueur au Ciel ou en Terre, ie trouueray moyen de me venger de la fauſſe Sorciere, qui tant m’a fait d’outrage.