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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/54

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DÉBAT


Il ſeroit long à diſcourir, comme Ionathas ſauua la vie à Dauid : dire l’hiſtoire de Pythias & Damon : de celui qui quitta ſon eſpouſe à ſon ami la premiere nuit, & s’en fuit vagabond par le monde. Mais pour montrer quel bien vient d’amitié, i’allegueray le dire d’un grand Roy, lequel, ouvrant une grenade, interrogué de quelles choſes il voudroit auoir autant, comme il y auoit de grains en la pomme, reſpondit : de Zopires. C’eſtoit ce Zopire, par le moyen duquel il auoit recouvré Babilone. Vn Scythe demandant en mariage une fille, & ſommé de bailler ſon bien par declaracion, dit : qu’il n’auoit autre bien que deus amis, s’eſtimant aſſez riche auec telle poſſeſſion pour oſer demander la fille d’un grand Seigneur en mariage. Et pour venir aus femmes, ne ſauua Ariadne la vie à Theſee ? Hypermneſtre à Lyncee ? Ne ſe ſont trouuees des armees en danger en païs eſtranges, & sauuees par l’amitié que quelques Dames portoient aus Capiteines ? des Rois remiz en leurs principales citez par les intelligences, que leurs amies leur auoient pratiquees ſecretement ? Tant y ha de poures ſoudarz, qui ont eſté eſleuez par leurs amies es Contez, Duchez, Royaumes qu’elles poſſedoient. Certeinement tant de commoditez prouenans aus hommes par Amour ont bien aydé à l’eſtimer grand. Mais plus que toute choſe, l’afeccion naturelle, que tous auons à aymer, nous le fait eſlever & exalter. Car nous voulons faire paroitre, & eſtre eſtimé ce à quoy nous nous ſentons enclins. Et qui eſt celui des hommes, qui ne prenne plaisir, ou d’aymer, ou d’eſtre aymé ? ie laiſſe ces Myſan-