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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/68

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DÉBAT


ha fait connoitre qu’elle auoit puiſſance de lui oter les yeus. Il ne ſe pleingnoit que de la deformité de ſon viſage. Elle eſmue de pitié la lui ha couuert d’une bande à ce que lon n’apercuſt deus trous vuides d’iceus, enlaidiſſans ſa face. On dit que Folie ha fait double injure à Amour : premierement, de lui auoir creué les yeus : ſecondement, de lui auoir mis ce bandeau. On exaggere le crime fait à une perſonne aymee d’une perſonne, dont pluſieurs ont afaire. Il faut reſpondre à ces deus iniures. Quant à la première ie dy : que les loix & raiſons humaines ont permis à tous ſe defendre contre ceus qui les voudroient ofenſer, tellement que ce, que chacun fait en ſe defendant, eſt eſtimé bien & iuſtement fait. Amour ha eſté l’agreſſeur. Car combien que Folie ait premierement parlé à Amour, ce n’eſtoit toutefois pour quereler, mais pour s’esbatre, & ſe iouer à lui. Folie ſ’eſt defendue. Duquel coté eſt le tort ? Quand elle lui uſt pis fait, ie ne voy point comment on lui en uſt pù rien demander. Et ſi ne voulez croire qu’Amour ait eſté l’agreſſeur, interroguez le. Vous verrez qu’il reconnoitra verité. Et n’eſt choſe incroyable en ſon endroit de commencer tels brouilliz. Ce n’eſt d’aujourd’hui, qu’il ha eſté ſi inſuportable quand bon lui ha ſemblé. Ne ſ’ataqua il pas à Mars, qui regardoit Vulcan forgeant des armes, & tout ſoudein le bleſſa ? & n’y ha celui de cette compagnie, qui n’ait eſté quelquefois las d’ouir ces brauades. Folie rit touſiours, ne penſe ſi auant aus choſes, ne marche ſi auant pour eſtre la premiere, mais pource qu’elle eſt plus pronte & hatiue. Ie