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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/106

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

l’avait prise sous son aile. Pouvait-elle empêcher les souffrances, les malheurs, la mort ?

Puis voilà qu’une tante venue la voir lui apprit que son ancien amoureux, de désespoir, s’était marié. Il avait épousé une jeune veuve avec deux enfants. Non seulement cela, mais il avait eu l’étrange idée de s’éloigner, de laisser Ste-Philomène sa paroisse natale, et son père, pour aller s’établir dans l’Alberta. Il renonçait à la terre paternelle qui retournerait plus tard à son jeune frère. Pour lui, il abandonnait tout ce qu’il avait connu pour s’en aller loin, très loin.

Mariette fut triste un moment.

— Chacun sa destinée, se dit-elle, en sortant du parloir, comme sa tante s’en allait.

Mais il lui faut oublier tout cela. Les peines terrestres sont passagères et le bonheur céleste est éternel, comme avait dit un jour un prédicateur. Elle voulait faire son salut.

Sa mère est morte, son père remarié est malheureux, et son ancien amoureux a pris femme de son côté et est parti très loin. Que d’événements en moins de dix mois !

Et les jours passent.

Un matin, vers les dix heures, Mariette était occupée à cirer le plancher du parloir. La maîtresse des novices lui avait assigné cette tâche après le déjeuner, repas consistant en un œuf à la coque et deux tranches de pain grillé. À genoux sur le parquet, sa robe de religieuse protégée par un grand tablier bleu, Mariette exécutait le travail aussi consciencieusement que possible. Une jeune novice entra dans la pièce.

— Mère supérieure voudrait vous voir, dit-elle, et elle s’éloigna.