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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/113

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

tinua de marcher à mon côté dans la merveilleuse nuit de décembre.

Au bout d’un quart d’heure, nous arrivâmes enfin à mon petit logis. Mon amie entra comme si c’eût été chose convenue entre nous. J’allumai ma lampe, puis j’indiquai un fauteuil à ma visiteuse. Elle se laissa tomber sur le siège sans même enlever son manteau.

— Je meurs de fatigue, déclara-t-elle.¸

J’avais dans une armoire une bouteille de rhum et j’en versai deux verres que nous vidâmes.

— Cela fait du bien, cela réchauffe, dit-elle.

Je lui enlevai alors son manteau et son chapeau.

La lumière de la lampe éclairait sa figure fatiguée certes, mais saine et légèrement colorée. Ses cheveux blancs, entièrement blancs, s’harmonisaient bien avec son expression et ses traits.

J’étais près d’elle frémissant de désirs, mais je ne savais que dire et j’étais trop poltron pour agir. Je me mis à lui narrer toutes sortes d’aventures qui m’étaient arrivées depuis mon enfance.

Souriante, ma visiteuse m’écoutait, ou paraissait m’écouter avec bienveillance. Soudain, je compris que je pataugeais, que je perdais ainsi mon temps et j’arrêtai mon bavardage.

Alors, pour la provoquer, je pris sur une petite table un album de planches anatomiques et je lui fis voir les pages les plus hardies si je peux m’exprimer ainsi.

Ma compagne conservait toujours son expression aimable, attentive, souriante, sympathique. La représentation des organes humains n’amenait aucun commentaire de sa part. Je me sentais maintenant plus gêné, plus lâche,