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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/160

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Bézières avec plaisir, mais le jeune notaire était un homme sérieux, pratique, réfléchi. Certes, il avait de l’inclination pour la fille de Mme Thomasson, mais il connaissait aussi toute l’importance de l’argent dans la vie et il épousa une jeune fille maigre, sèche et noire, mais qui lui apportait quinze mille piastres, ce qui est une belle entrée en ménage.

Mme Thomasson fut désappointée.

À peu près à l’époque du mariage de M. Bézières, un étudiant en médecine, Paul Demesse, vint loger à la pension Thomasson. Son père était médecin dans une petite campagne. Tout de suite, Mme Thomasson jeta son dévolu sur lui pour sa seconde fille. Elle avait manqué M. Bézières, mais elle comptait sur le nouveau venu. C’était un garçon de talent, avec des ambitions. Non seulement il voulait se faire médecin, mais il songeait aussi à se lancer plus tard dans la politique. Il appartenait à plusieurs clubs de jeunes gens où il s’exerçait à l’éloquence, se préparant pour les luttes futures. Mme Thomasson l’admirait fort et elle était maintenant contente que le notaire Bézières eût épousé une autre que sa fille. Clarinda partageait l’engouement de sa mère pour M. Demesse. Et celui-ci ne fut pas longtemps sans être charmé, conquis par la beauté de Clarinda. Au jour de l’an, il l’amena dans sa famille, afin de la présenter à ses parents. Tout le monde la trouva charmante. On regrettait cependant qu’elle n’eût pas le sou, mais on ne peut pas tout avoir. On aurait aimé pour le fils une femme qui eût apporté de l’argent. Mais, disait le futur médecin, une femme comme elle peut aider beaucoup au succès d’un homme. Elle lui conquiert les bonnes volontés. Un mot, un sourire, peuvent lui apporter le concours des puissants. Un homme qui veut se lancer dans la politique et qui a une belle femme a de su-