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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/266

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L’ÉVASION MANQUÉE



C’ÉTAIT une vieille liaison. De plus de quinze ans et mauvaise comme un panaris ou la gale. Lui, Robert Deval, un sentimental, un idéaliste, à trente-cinq ans et heureusement marié, avait rencontré Louise Lepert, grande blonde de dix ans plus jeune que lui, qui l’avait entraîné dans une aventure qui avait bouleversé son existence et avait été la grande erreur de sa vie. La première fois qu’elle l’avait vu, cette fille avait été séduite par sa figure grave et sympathique, par ses yeux bruns dont le regard se posait sur elle comme une caresse infiniment douce et qui la jetaient dans un indicible émoi, et surtout par ses mains fines et délicates qu’elle aurait voulu couvrir de baisers.

— Ce que j’ai tout d’abord aimé en toi, lui disait-elle plus tard, ce sont tes mains. Je ne pouvais me lasser de les regarder et j’aurais voulu les prendre et les mettre sur ma figure, sur mes cheveux, sur tout moi.

Sous des prétextes divers, puis sans prétextes elle était retournée le voir à son atelier de photographe. Il la trouvait exquise avec ses grands yeux bleus, ses épaisses lèvres rouges et ses cheveux dorés, mais c’était un timide et il ne lui faisait aucune avance, se bornant à l’écouter complaisamment. Alors, elle avait fait un petit voyage et, dès le