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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/32

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

temps que je n’en avais pris que j’en avais perdu le goût. Vous savez, ça redonne du courage.

Il regardait autour de lui. La petite pièce avec son poêle, sa table recouverte de toile cirée rouge sang, ses deux chaises et les ustensiles qui traînaient ici et là, donnait l’impression d’une chambre où se préparent des nourritures bienfaisantes et où des repas se prennent à l’aise, en parlant, les coudes de chaque côté de son assiette.

— Vous avez de la chance, fit-il enfin, résumant son impression.

— On s’arrange pas trop mal, reprit l’autre.

Dans le calme d’une petite cuisine, deux hommes buvaient un verre de bière.

— Tiens, ôte ton capot. J’vas t’faire à souper, reprit l’hôte.

— Non, merci. Une cigarette et un verre de bière ça va faire pour ce soir.

— Comment ça va faire pour ce soir ? T’es pas pour finir la journée sans souper. Tu vas manger à ma table. Tiens, accroche ton pardessus et assieds-toi là.

Alors, l’hôte ouvrit l’armoire attenante au mur et en sortit une assiette. D’entre la fenêtre et la double fenêtre, il prit un morceau de viande qu’il jeta dans un poêlon. Il y ajouta un morceau de beurre et un oignon qu’il avait haché.

— Goûte-moi ça, fit un moment plus tard le bon samaritain en versant le contenu de sa poêle dans l’assiette placée devant l’étranger.

Il remplit de nouveau le verre du chômeur et le poussa près de lui.