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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/36

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

rue Sherbrooke. La famille Letoussaint était loin d’être prospère à cette époque-là et par moments, la vie était dure, dure…

Cinq des garçons étaient mariés et bien qu’ils se tirassent assez bien d’affaire, jamais ils n’auraient songé à aider leur vieille mère. Ils la laissaient se débrouiller le mieux qu’elle pouvait. Émile, le sixième, était paresseux et il préférait trouver son dîner à la table maternelle que de le gagner lui-même. Quant aux filles, elles vivaient toutes à la maison, travaillaient dans des bureaux, des magasins, vivotant péniblement.

Lorsqu’elle eut épousé le millionnaire Lebron, Béatrice pensa à ses parents et elle en causa à son mari.

Mais déjà, celui-ci, en homme pratique, en homme d’affaires, y avait songé.

— Je vais louer un petit logement pour ta mère, dit-il, et chaque mois, je lui enverrai un montant pour subvenir à ses besoins. Maintenant, ton frère Émile est capable de gagner sa vie et il n’y a pas de raison pour qu’il passe son existence à flâner. Il n’y a qu’une chose à faire. Tu vas lui acheter un billet de passage pour Edmonton — pour aller seulement — et il se débattra ensuite. C’est un service que nous lui rendrons.

Béatrice nippa ses sœurs et, le bruit des millions du beau-frère aidant, elles trouvèrent rapidement des maris, à l’exception de l’aînée qui continua d’habiter avec sa mère.

Béatrice, la femme du millionnaire Lebron, avait du naturel. Bien qu’elle fût riche, qu’elle vécût dans le luxe, l’opulence, les grandeurs, elle n’oubliait pas ses parents. Non seulement sa mère et sa sœur aînée Clémentine profitaient de ses largesses, mais ses sœurs mariées bénéficiaient aussi de sa générosité.