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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/59

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

À maintes reprises, sœur Marcelin lui avait offert de la placer à l’hospice elle vivrait en paix.

— Aller vivre avec des vieilles radoteuses qui passent tout leur temps à se disputer ? Non, non, merci. J’aime mieux quêter et gagner ma vie, avait répondu Marie. J’prends un p’tit coup, ça c’est vrai, mais ça ne fait de tort à personne. Aussi longtemps que je pourrai me traîner, je n’entrerai pas à l’hospice.

Et elle continuait de mendier dans les bureaux d’avocats, de notaires, d’agents d’immeubles et de se saouler. Avec quelques autres épaves de la vie elle logeait dans une vieille, laide et répugnante maison de la rue Sanguinet, chez la veuve Topin. Là se rencontraient le soir, leur journée faite, leur labeur terminé, la Morrier, femme de ménage, toute grise, si maigre et si sèche qu’elle faisait songer à un squelette, le père Lemme, 70 ans, un aveugle qui vendait des crayons de porte en porte, un nègre tuberculeux, plongeur dans un restaurant de la rue Caig, une cuisinière de 50 ans, toujours épuisée et à bout de souffle, employée au même établissement, un bûcheron revenu des chantiers à la suite d’un accident et qui attendait la réouverture de la navigation pour travailler comme débardeur au port, et Marie Charrut.

Le lundi, Marie retourna à l’Asile des Miséreux, voir sœur Marcelin.

— Bien, Marie, je crois que je vais pouvoir vous nipper convenablement pour faire vos pâques, fit la religieuse. Venez avec moi.

Elle la conduisit à ce qu’elle appelait le vestiaire, c’est-à-dire la pièce où étaient emmagasinés les vieux vêtements donnés par le public.

En un quart d’heure, Marie se trouva munie d’une