Aller au contenu

Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
51
VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

cabinets, riposta Marie. Puis, moi, je fais ma religion, tandis que vous, ça doit bien faire vingt ans que vous n’avez pas mis les pieds à l’église.

Et Marie portant sur le bras les habits don de sœur Marcelin s’en fut se retirer dans sa chambre.

Mais maigre, grise, fielleuse, mauvaise, la Morrier était furieuse.

— Voyez-vous ces sœurs qui vont quêter du linge dans les familles pour le donner à des ivrognesses ? Vous ne me direz pas que ce n’est pas encourager le vice. Tenez, moi qui travaille tous les jours pour gagner ma vie, moi qui lave des crachoirs et même des cabinets comme dit Marie, croyez-vous qu’elle m’habillerait si j’allais lui demander une toilette à sœur Marcelin ? D’abord, je suis bien trop fière pour en demander, puis j’aimerais pas à me mettre sur le dos les guénilles des autres et ensuite, j’sus ben certaine qu’elle me refuserait. Ah ! si j’étais pourrie de vices, je ne dis pas. Faudrait être une bonne à rien pour être ben traitée.

Elle épanchait son fiel.

— Puis, cette histoire de faire ses pâques, c’est des menteries, tout ça. Je sus ben certaine qu’elle les fera pas. Vous verrez, vous saurez me le dire si elle les fait. Tenez, je ne serais pas surprise de lui voir vendre ses habits pour s’acheter du whiskey.

Fidèle à sa promesse, Marie alla à confesse le mercredi après-midi afin de communier le lendemain. Le prêtre accorda à la pécheresse le pardon de ses fautes. Au logis, Marie annonça qu’elle ferait ses pâques le lendemain matin. Elle venait de se donner un fameux savonnage dans la cuve qui servait de baignoire lorsque la femme de ménage s’amena.