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Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/311

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mitive du royaume, car il remonte bien plus haut ; c’est le droit naturel, c’est le droit de la raison. Cependant il a été enlevé à vos sujets, Sire, et nous ne craindrons pas de dire que l’administration est tombée, à cet égard, dans des excès qu’on peut nommer puérils.

Depuis que des ministres puissants se sont fait un principe politique de ne point laisser convoquer d’assemblées nationales, on en est venu de conséquences en conséquences, jusqu’à déclarer nulles les délibérations des habitants d’un village quand elles ne sont pas autorisées par l’intendant ; en sorte que si cette communauté a une dépense à faire, il faut prendre l’attache du subdélégué de l’intendant ; par conséquent suivre le plan qu’il a adopté, employer les ouvriers qu’il favorise, les payer suivant son arbitraire ; et si la communauté a un procès à soutenir, il faut aussi qu’elle se fasse autoriser par l’intendant. Il faut que la cause soit plaidée à ce premier tribunal avant d’être portée devant la justice. Et si l’avis de l’intendant est contraire aux habitants, ou si leur adversaire a du crédit à l’intendance, la communauté est déchue de la faculté de défendre ses droits.

Voilà, Sire, par quels moyens on a travaillé à étouffer en France tout esprit municipal, à éteindre, si on le pouvait, jusqu’aux sentiments de citoyen, on a pour ainsi dire interdit la nation entière, et on lui a donné des tuteurs[1].

Ainsi, l’histoire et la raison s’accordent à prouver que, pour qu’un pays soit vraiment libre, c’est dans les institutions communales qu’il faut enraciner la liberté. C’est là son véritable sol ; jusque-là tout est plus apparent que réel ; il y a des administrés, il n’y a pas de citoyens.

  1. Remontrances de la cour des aides, 1777.