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Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/442

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pas ces lois de proscription qui ont décapité tant de victimes dont la naissance était le seul crime, non pas même ces lois de confiscation qui n’auraient fait que changer les propriétaires sans détruire la grande propriété, mais ces lois qui, sans tremper dans le sang, ont supprimé les majorats et les substitutions, réduit la toute-puissance testamentaire, établi l’égalité entre les enfants, amené en deux mots la division de la propriété, la multiplication des propriétaires, et, comme conséquence forcée, la disparition de la noblesse et l’avènement de la démocratie.

Si par une loi on ne peut détruire l’aristocratie, comment par une loi pourrait-on l’établir ? C’est là l’illusion de Locke ; ce fut également une des erreurs de la Charte de 1814, quand dans un pays si profondément nivelé, elle institua une pairie héréditaire, croyant donner à la royauté dans ce fragile appui le solide rempart de la toute-puissante noblesse d’Angleterre. Pour transformer la pairie française en aristocratie, il eût fallu, comme le rêva un instant Charles X, ranimer, faire sortir du tombeau l’ancienne société, concentrer la terre entre les mains d’un petit nombre de privilégiés, au moyen du droit d’aînesse, et l’immobiliser par des substitutions. Mais remonter ainsi le courant démocratique, c’était un rêve, et ces vaines tentatives ne faisaient que hâter la ruine d’une institution sans force et sans vie !