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Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/467

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dition des personnes. Est-ce le travail qu’on respecte, mais aussitôt le nègre a un pécule, et on ne peut lui refuser de se racheter. C’est ainsi que dans les choses humaines et par une génération fatale, le bien enfante le bien, le mal enfante le mal. C’est surtout dans l’esclavage que cette terrible fécondité du crime est visible.

Dans une moitié des États-Unis, il y a deux sociétés établies sur le même sol ; l’une toute puissante, active, unie, vigilante, l’autre faible, désunie, indifférente, exploitée comme un bétail ; et cependant, ce troupeau méprisé est pour l’Amérique une menace éternelle. Si jamais une guerre étrangère apprenait aux noirs à se compter, et tournait contre l’oppresseur cette force endormie, le Sud deviendrait un théâtre de désastres plus effrayant que Saint-Domingue.

Sans prévoir des malheurs que le temps rendra inévitables, il n’en est pas moins vrai qu’aujourd’hui l’esclavage est le ver rongeur des institutions américaines, un démenti donné aux fondateurs de l’indépendance[1]. La tache qui souille cette grande société la met au-dessous de l’Europe. Nous sommes sans doute moins avancés que les États-Unis dans la pratique de la liberté ; mais nous

  1. Que sont devenues ces belles paroles de la déclaration de 1776 : « Nous considérons comme vérités évidentes que tous les hommes ont été créés égaux, qu’ils ont reçu du Créateur des droits inaliénables, et que ces droits sont la vie, la liberté, et la poursuite du bonheur. » Voyez aussi l’ingénieuse plaisanterie de Franklin sur le commerce des esclaves, dans ses Essais.