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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/226

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adversaire que le christianisme ait rencontré durant les premiers siècles.

Au moment où Porphyre publia son grand traité contre les chrétiens, il était dans la force de l’âge et il avait derrière lui une production considérable, qu’il devait accroître jusqu’à sa mort. M. J. Bidez, qui en a dressé la liste avec une conscience scrupuleuse, trouve au total soixante-dix-sept numéros[1].

Né vers 232-233 à Tyr, ou dans quelque bourgade voisine de Tyr (peut-être plus au sud, à Batanaea, près de Césarée de Palestine, car les polémistes ecclésiastiques l’appellent souvent, avec une intention méprisante, « le Batanéote »), Porphyre, sémite hellénisé, s’était formé à Athènes sous la direction de Longin ; puis, vers trente ans, en 263, il avait rencontré à Rome Plotin, et il était devenu son disciple fervent et son ami. C’est lui, comme on sait, qui devait recueillir et classer les leçons de Plotin pour en former les « neuvaines », les Ennéades, ainsi dénommées parce que ces dissertations métaphysiques sont groupées assez arbitrairement en six séries de neuf livres — en l’honneur du nombre neuf, nombre mystérieux et sacré.

M. J. Bidez a résumé dans une page brillante les contradictions dont fut travaillé ce remarquable esprit[2] :

Esprit critique et naïveté, enthousiasme sincère et habile opportunisme, science solide et érudition puérile ; curiosité d’un Hellène avide de savoir et de comprendre, aberrations d’un occultiste ; libre allure d’une pensée qui discute et raisonne, docilité d’un croyant prêt à accepter toutes les révélations ; apostolat moral très élevé, accointances compromettantes ; vulgarisation lucide et facile, compilations, absurdités même : il semble qu’il y a de tout dans l’œuvre de Porphyre, et

  1. Vie de Porphyre, p. 65*.
  2. Op. cit., p. ii.