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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/234

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Eusèbe de Césarée. J’extrais de la Cité de Dieu le premier passage[1] :

Dans son ouvrage intitulé la Philosophie des Oracles, où il groupe et passe en revue de prétendues réponses divines sur des questions qui intéressent la philosophie, Porphyre raconte ceci (je cite ses propres paroles d’après la traduction latine faite d’après le grec) : « Quelqu’un demandait quel dieu il devait se rendre propice pour arriver à détourner sa femme du christianisme. Voici la réponse en vers que fit Apollon : « Il te serait peut-être plus facile de tracer des caractères sur l’eau, ou bien, ouvrant au souffle de l’air des ailes légères, de voler comme un oiseau, que de rappeler à la raison ta femme impie et souillée. Laisse-la donc persévérer à son gré dans ses folles erreurs ; que par ses lamentations elle célèbre un Dieu mort, condamné par d’équitables juges et qui, dans ses plus belles années, attaché par des clous de fer, a péri du pire des supplices[2]. »

Après ces vers d’Apollon, qui viennent d’être transposés en prose latine, Porphyre ajoute : « Le dieu a dévoilé par ces paroles le caractère inguérissable de leur préjugé entêté ; il déclare que les Juifs savent honorer Dieu mieux que ces gens-là (les chrétiens). »

Voilà donc un endroit, reprend Augustin, où Porphyre essaie de déshonorer le Christ et où il attribue aux Juifs une supériorité sur les chrétiens, en proclamant que ce sont les Juifs qui savent honorer Dieu !

Car c’est ainsi qu’il explique les vers d’Apollon : pour lui, ce sont des juges équitables qui ont mis le Christ à mort, et du moment qu’ils ont bien jugé, c’est donc que le Christ a mérité d’être puni.

Porphyre proclamait ailleurs la grandeur du Dieu des Juifs — toujours en faisant parler Apollon. Comme on lui

  1. XIX, 23 (Dombart, dans la Teubneriana, 3e éd. [1918], t. II, p. 393).
  2. Dombart écrit : « Pergat quo modo vult inanibus fallaciis perseverans et lamentari [fallaciis] mortuum Deum cantans… » C’est le texte du Sangallensis 178 (ixe s.), du Monac. (Fris.) 6259 (xe s.), du Monac. (Aug.) 3831 (xe s.) et de trois autres mss. parisiens du xve siècle. Dombart marque donc une lacune après perseverans et met entre crochets le second fallaciis, qui ne figure pas dans un ms. tardif (cod. Patav. n. 1469, s. xiv). Le Regius vetus codex des Bénédictins portait : « perseverans lamentari mortuum deum et cantans… ». Au surplus, le sens général n’est pas douteux.