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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/11

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LE BRACELET DE FER

sautèrent sur la grève, puis ils s’emparèrent d’une civière, qu’ils prirent dans le fond du canot, et ils se dirigèrent vers l’endroit où Paul avait laissé le malade.

Aussitôt que le médecin eut jeté les yeux, sur Peter Flax, il hocha la tête et fronça les sourcils.

— Fièvre des dunes… murmura-t-il. Je crains bien qu’il n’y ait rien à faire pour le sauver !

— Vous ne croyez pas qu’il en revienne ?

— Non, je ne le crois pas… Mais, transportons-le au canot immédiatement. Je vois que vous lui aviez mis une compresse d’eau froide sur la tête, dit le médecin ; c’est ce qu’il y avait de mieux à faire aussi. Cependant, regardez : le linge est sec et brûlant… Pauvre diable ! ajouta-t-il, en posant sa main sur le front du malade ; il doit avoir près de 104 degrés de température. Hâtons-nous !

Mme Shade avait tenu parole ; tout était prêt pour recevoir Peter Flax, et quand Paul vit le lit blanc et propre, les oreillers moelleux, il eut un sentiment de réelle compassion envers celui dont il s’était vu obligé d’usurper le nom et la personnalité. Combien le policier eut apprécié le confort de l’Hôpital Shade, lui qui n’avait fait que se plaindre des inconvénients rencontrés, à chaque instant, en cheminant à travers les dunes !

Une surprise attendait Paul en sortant de l’hôpital : Mme Shade lui avait préparé un excellent souper. Avec quel appétit il mangea des mets succulents qui lui furent servis, le pauvre garçon !

Il fut décidé que Paul veillerait le malade, jusqu’à deux heures du matin, quand le médecin lui-même viendrait le remplacer.

Après avoir passé une heure à causer et fumer avec le Docteur Shade, Paul se rendit à l’hôpital, afin de remplacer James auprès de Peter Flax.

Chapitre IV

LE PREMIER INTERNE DU « SHADE HOSPITAL »


Paul Fairmount, aussitôt qu’il fut installé dans la salle de l’hôpital, fut pris d’un grand besoin de dormir. Assis dans un fauteuil confortable, ses yeux se fermaient malgré lui. C’est qu’il n’avait pas dormi, la nuit précédente, et qu’il avait manié la lime, sans relâche, pendant des heures et des heures.

Afin d’essayer de surmonter ce besoin de dormir, il se leva et se mit à marcher, de long en large, s’arrêtant, de temps à autre, pour regarder Peter Flax, qui paraissait être toujours dans le même état. Le Docteur Shade avait demandé à Paul de renouveler les compresses d’eau froide, tous les quarts d’heure, sur le front du malade, et d’humecter ses lèvres d’un cordial, dont le médecin attendait, évidemment, de bons résultats.

Paul Fairmount s’installa près d’une table, non loin du foyer, dans lequel brillait un feu clair, puis il retira de sa poche un calepin, qu’il se mit à examiner avec soin. Ce calepin avait appartenu au policier, et il était rempli de notes de toutes sortes.

Paul avait eu une surprise agréable, en voyant l’écriture de Peter Flax ; c’est qu’elle ressemblait quelque peu à la sienne propre, comme il arrive assez souvent de l’écriture de personnes ayant fréquenté la même école, la même académie, le même collège. Sans doute, il existait une légère différence entre leurs écritures ; il y aurait des traits, des courbes à imiter, mais il y parviendrait. N’était-il pas bon dessinateur ? Rien ne lui serait plus facile, conséquemment que de parvenir à produire un rapport, signé « Peter Flax » qui tromperait même l’œil le mieux exercé.

Car, il y avait un rapport à préparer, et il fallait qu’il fût prêt à être envoyé au Cap Hurd, dans deux jours, lors du départ du canot-courrier, qui, une fois la semaine, faisait le trajet, de l’établissement au Cap.

Lorsque le Docteur Shade vint le remplacer. à deux heures du matin, auprès du malade, Paul avait terminé son rapport, qu’il lui avait fallu cependant signer du nom de Peter Flax, ce qui constituait un faux, il ne pouvait se le cacher à lui-même.

— Il n’y a que nos initiales qui sont les mêmes, s’était-il dit, et dont je puis me servir sans commettre un faux, chaque fois.

Aussi, ne ménagea-t-il pas les « P. F. », s’exemptant aussi, le plus souvent possible, d’écrire le nom du policier tout au long.

— Je suis venu vous remplacer, M. le policier, dit le médecin. Vous ne vous ferez pas prier pour vous mettre au lit, n’est-ce pas ?

— Je ne me ferai pas prier, en effet, Docteur, répondit Paul en souriant. Je n’ai pas dormi, la nuit dernière, car j’étais un