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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/38

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LE BRACELET DE FER

désirait trouver le petit coussin de mousse sur lequel sa tête avait reposé, la veille, alors qu’il était évanoui… Ah ! le voici ! Le jeune homme s’en saisit, avec l’intention de le mettre en sûreté, dans un creux du rocher.

Soudain, il aperçut, à ses pieds, un objet qui brillait au soleil ; c’était un médaillon d’une grande valeur, du moins, Paul le jugea ainsi lorsqu’il l’eut pris dans ses mains. Le médaillon était en or, 18 carats, et au centre était un saphir, qui devait être presque hors de prix.

L’anneau du médaillon était passé dans un petit ruban en velours bleu ; ce ruban, fort usé, avait fini par céder tout à fait, ce qui expliquait comment il se faisait que ce joyau fut tombé.

Mais, comment ce médaillon se trouvait-il être sur le petit promontoire ? Quelqu’un était donc venu là ce matin ? Car Paul se dit qu’il n’avait certainement pas été là, la veille ; il l’eut vu, sûrement !

Machinalement, le jeune homme ouvrit le médaillon, et aussitôt, il eut une exclamation :

— Mais !… C’est la fillette d’hier ! Le petit « Oiseau Bleu », qui m’a secouru !… Oui, c’est elle, c’est bien elle ! Voilà ses cheveux blonds, ses yeux bleus, de vrais yeux d’ange !…

Bientôt, cependant, Paul sourit. Non, ce n’était pas la fillette d’hier, l’Oiseau Bleu, assurément ! Celle qui lui souriait dans le petit cadre doré du médaillon était beaucoup plus âgée que l’enfant de la veille… Ses cheveux étaient peignés selon la mode d’il y avait plusieurs années… Sa mère ?… Oui, ce devait être la mère de l’Oiseau Bleu… Pauvre petite ! Comme elle allait se désoler, d’avoir perdu ce précieux souvenir !

Ayant ouvert un autre compartiment du médaillon, Paul trouva une petite touffe de cheveux blonds, puis, sur le fond du couvert, il vit que deux initiales avaient été gravées : « N. L. »

— Je sais ce que je vais faire, se dit-il ; je ferai insérer une annonce dans les principaux journaux de Québec, dès demain, une annonce qui se lira ainsi :

« N. L. » Si l’Oiseau Bleu veut réclamer le médaillon qu’elle a perdu, sur le petit promontoire, le 20 du courant, elle n’aura qu’à adresser une lettre à : « P. F., La Banlieue, Québec ».

Déposant le médaillon dans la poche de son veston, Paul quitta le petit promontoire, et il arriva au « château » au moment où sonnait la cloche annonçant le repas du midi.

Chapitre XVI

AU PREMIER COUP DE SEPT HEURES


À cinq heures précises, Delmas Fiermont revint au « château ». Paul faillit crier, en l’apercevant, tant il le trouva changé : le visage pâle, les yeux cernés de bistre et quelque chose d’effrayé et d’étrange dans le regard. Inutile de le dire cependant, notre jeune ami ne fit rien paraître de l’étonnement qu’il éprouvait.

— Comment as-tu passé la journée, Paul ? demanda Delmas Fiermont, d’une voix qu’il essaya de rendre gaie, ce en quoi il ne réussit guère.

— Assez bien, mon oncle. Mais j’avais hâte de vous voir revenir, car le « château » est grand et vide, quand vous en êtes absent.

— Et Réjanne ?…

Paul se sentit rougir ; il lui fallait mentir encore, ce qui ne lui allait pas du tout.

— Réjanne se remet de ses fatigues, mon oncle. Elle m’a chargé de mille tendresses pour vous.

— La chère enfant ! fit Delmas Fiermont. Puis, sans à propos, il demanda soudain : Quelle heure est-il, Paul ?

Ils étaient dans le Musée tous deux, l’oncle et le neveu. À la demande de Delmas, Paul se retourna et regarda l’heure à l’horloge (monumentale aussi, celle-là), qui était placée entre deux fenêtres.

— Il est cinq heures et quart, mon oncle.

— Encore une heure et trois quarts… murmura Delmas Fiermont.

Paul l’entendit, mais il n’en fit rien voir.

— Mon garçon, dit, tout à coup, Delmas, cette journée a été la plus longue et la plus misérable que j’aie passée, de ma vie. De fait, je suis allé à Québec dans l’intention d’y régler certaines affaires, et je n’en ai rien fait.

— Vous avez donc été malade, oncle Delmas ?

— Malade ? Non. Mais, toujours, la journée entière, j’entendais résonner ces sept coups sur le timbre de l’horloge de la salle à manger.

— Assurément, mon oncle, fit Paul, vous êtes trop intelligent pour vous arrêter à ces choses ! Ce timbre… n’y pensez plus, je vous prie !

— Comment expliques-tu, alors ?…

— Je vous dirai, oncle Delmas, que nous avons trouvé la solution du mystère, Prosper et moi, répondit le jeune homme en essayant de sourire.

— Vraiment ! cria le vieux millionnaire, une sorte d’espoir dans la voix. Et cette solution, quelle est-elle ?

— Eh ! bien voici : si ce timbre a résonné ainsi, ce devait être produit par une forte vibration. Un camion lourdement chargé, passant à proximité de la maison.

— Ah ! fit Delmas Fiermont, d’un air fort déçu ; on sentait qu’il avait espéré autre chose.

— Ainsi, je le répète, n’y pensons plus, et…

— Si je pouvais n’y plus penser ! Si je pouvais oublier ces sept intonations sonores ! Si je pouvais ne pas redouter la fin de ce jour, Paul !…

— Mon oncle, voulez-vous me permettre d’envoyer chercher le Docteur Ivan ? Il vous administrerait un calmant pour vos nerfs…

— Ni le Docteur Ivan, ni personne ne pourrait empêcher ce qui doit arriver, cher enfant. Ô Paul, je le crois véritablement, je n’entendrai pas sonner les sept heures du soir !

À ce moment, Prosper entra dans le Musée, portant un plateau contenant du vin et des biscuits.

M. Fiermont, je vous ai apporté… commença le domestique, puis il s’écria : Vous