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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/54

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LE BRACELET DE FER

par la fenêtre, ne vous attend pas à quelque coin de rue ? Il vous importunerait encore…

— Si Mademoiselle veut accepter mon escorte, intervint Paul Fiermont, en s’inclinant devant la jeune fille, je me ferai un plaisir de la reconduire chez elle.

L’Oiseau Bleu jeta un coup d’œil sur le jeune homme, puis elle lui tendit franchement la main en disant :

— J’accepte votre offre, M. Laventurier.

Paul sourit sous sa moustache. Évidemment, le nom qu’Anatole Chanty lui avait donné, dans l’intention de l’insulter, tout à l’heure, avait induit l’Oiseau Bleu en erreur. Il ouvrit la bouche pour lui dire. Je me nomme Fiermont et non Laventurier, quand Mme Dupin lui dit, en indiquant l’Oiseau Bleu.

— Monsieur, j’ai la responsabilité de cette jeune fille ; mais, je vous la confie…

— Merci, Madame, répondit Paul, en s’inclinant devant la brave femme.

— Voyez-vous, reprit-elle, votre visage m’inspire confiance, et il est rare que je me trompe, car je suis assez bonne physionomiste.

— Je saurai me rendre digne de la confiance que vous mettez en moi, répondit le jeune homme.

En quittant l’auberge, l’Oiseau Bleu, accompagnée de Paul, se dirigea vers la haute-ville.

— Mademoiselle, demande notre ami, vous souvenez-vous de m’avoir rencontré déjà, sous d’assez étranges circonstances ?

— Sans doute, je m’en souviens… Sur le petit promontoire, là-bas, dans la Banlieue… Vous veniez d’être victime d’un accident…

— Je n’ai jamais oublié votre bonté, Mademoiselle ! s’écria Paul.

— Je n’ai rien fait de bien extraordinaire pourtant, répondit-elle, en souriant. Vous aviez besoin de mes soins et je vous les ai donnés ; voilà tout.

— Voilà tout, dites-vous ?… Sans votre secours, je ne sais ce que je serais devenu, car j’avais reçu un rude coup sur la tête. Mais… ajouta Paul, savez-vous, chose étrange, je vous avais prise pour une enfant, ce jour-là.

— Je le sais bien, répondit-elle, avec un joyeux éclat de rire, et cela m’avait beaucoup amusée !

— N’avez-vous pas perdu un objet de valeur, ce jour-là, sur le petit promontoire, Mademoiselle ?

— Mon médaillon ! s’écria l’Oiseau Bleu. Oh ! Monsieur, est-ce que vous l’auriez trouvé ? Ce serait avoir trop de chance vraiment !

— Oui, je l’ai trouvé, et j’ai même annoncé la chose dans les journaux.

— Ah !… Malheureusement, je ne lis jamais les annonces d’un journal, dit la jeune fille. Mais… Le médaillon…

— Le voici, Mademoiselle, dit-il, en lui remettant un joli écrin, qu’il prit dans la poche de son habit. Je l’ai toujours porté sur moi depuis.

Elle ouvrit l’écrin immédiatement et elle eut une exclamation de joie en apercevant le médaillon.

— Que je suis contente ! s’écria-t-elle. Ce portrait est celui de ma mère, que j’ai à peine connue, ajouta-t-elle, en montrant au jeune homme la photographie contenue dans le médaillon.

— Vous lui ressemblez extraordinairement ! dit Paul. C’est en voyant ce portrait que je fus convaincu que le joyau vous appartenait.

— Mais, cette chaînette d’or, et cet écrin ne m’appartiennent pas ; veuillez les reprendre, Monsieur.

— Je vous en prie, Mademoiselle, daignez accepter et l’écrin et la chaînette ! L’écrin, en fin de compte n’est qu’une simple boîte en carton…

— Doublée en velours bleu, acheva l’Oiseau Bleu, en souriant.

— Tout de même, ça n’a aucune valeur. Quant à la chaînette, elle est, elle aussi, sans réelle valeur. (Inutile de dire, n’est-ce pas, que la chaînette était de la meilleure qualité d’or). Si vous portez ce médaillon suspendu à un ruban ou cordon, vous courrez le risque de le perdre de nouveau… Vous allez l’accepter, je l’espère ?

— Ça semble si curieux pour moi d’accepter un cadeau d’un monsieur ! dit en souriant, l’Oiseau Bleu. Je ne sais vraiment si…

— J’apprécierai hautement la faveur que vous me ferez en acceptant cette modeste chaînette, croyez-le, Mademoiselle !

— Je l’accepte alors, et merci ! Elle mit, dans sa sacoche, l’écrin, contenant et contenu. Ah ! J’arrête ici, reprit-elle ; je ne serai que quelques minutes.

On était arrivé devant un magasin de fleuriste. L’Oiseau Bleu prit, des mains de son escorte, les boîtes contenant les fleurs qu’on lui avait présentées ce soir-là, puis elle entra chez la fleuriste. Lorsqu’elle en sortit moins de cinq minutes plus tard, il ne lui restait plus qu’un des cartons.

— Je n’ai pu me décider de vendre ces fleurs, dit-elle à Paul, en désignant le carton qu’elle tenait à la main. Ce sont des myosotis, et j’adore ces mignonnes fleurettes.

— Vraiment ? fit le jeune homme. Alors, je suis heureux d’avoir…

Il se tut subitement, mais l’Oiseau Bleu avait compris.

— Ah ! C’est donc vous qui m’avez présenté ce magnifique bouquet ? demanda-t-elle. Comment avez-vous pu deviner que je raffolais des myosotis ? ajouta-t-elle, avec un sourire que son compagnon trouva adorable.

— Des fleurs bleues à l’Oiseau Bleu… fit Paul.

Ils avaient repris le chemin de la basse-ville, et bientôt, ils pénétraient dans une rue très étroite et fort mal éclairée ; de fait, on ne voyait pas à deux pieds devant soi.

Paul avait offert son bras à la jeune fille et elle l’avait accepté, sans minauderie et sans coquetterie. Tous deux marchaient assez lentement, car les trottoirs étaient très mal entretenus, ou plutôt, ne l’étaient pas du tout.

— Nous tournons à droite ici, dit soudain l’Oiseau Bleu. C’est dans cette rue que je demeure.

Encore une rue étroite et noire. Mais les deux jeunes gens n’y avaient fait que quelques pas, quand apparut un homme, que Paul reconnut, malgré l’obscurité, à cause de sa taille,