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Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/98

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LA PERLE DE CANDELAIR

Vous êtes méchante, Mariette ; vous semblez me reprocher le plaisir que j’avais. Croyez-vous qu’il m’arrive souvent d’être gai, comme je l’étais tout à l’heure ? M’avez-vous souvent vu rire comme je le faisais ? Non, n’est-ce pas ? Eh bien, ne m’en veuillez pas trop si j’ai eu regret de voir cette joie finir si vite, s’éteindre tout à coup, semblable à un de ces beaux feux de paille que les enfants font à la Saint-Jean.

— Ma foi, dit la jeune fille avec cette finesse un peu narquoise des gens du peuple, nous faisons là tous les deux ce que nous ne faisons pas souvent : moi, des réflexions, vous des éclats de rire. C’est sans doute le peu d’habitude que nous en avons qui l’a fait finir si vite.

― À quoi songiez-vous ? demanda Étienne.

— À ceci, que voilà bientôt six heures ; il est temps que j’aille à l’ouvrage, quel que soit le plaisir que j’aurais à rester encore, tandis qu’il y a tant de femmes qui ont à elles leurs journées entières pour ne faire que ce qui les amuse.

Mariette se prit à soupirer.

— Vous ne m’avez toujours pas dit quel jour vous viendrez à la Chartreuse ? demanda encore le jeune homme.

— Le jour où vous serez décidé à ne pas m’y laisser du matin au soir sans m’y dire un mot, riposta vivement Mariette, dont la gaieté était subitement revenue.

— Tout de suite alors, dit Étienne, qui trouvait grand plaisir à causer en toute liberté avec elle.

Les jeunes filles du peuple ne sont généralement pas prudes outre mesure, ou plutôt elles ne placent pas leur