Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/152

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en prisonnier : à la porte du Vatican, d’où sortaient autrefois les papes dans la gloire et les pompes de ce monde, un soldat de l’Excommunié, de Victor-Emmanuel le maudit, monte la garde. Il m’a dépouillé, il m’a fait plus pauvre que Christ, aussi pauvre que Pierre, quand il pêchait avec ses filets pour gagner un morceau de pain.

—Ô Pape ! tu possèdes ce que ne possédait pas Grégoire VII devant qui tremblaient les rois et les empereurs, comme les fauves des bois quand l’éclipse voile le soleil ; tu possèdes ce qu’aucun pape, pour grand qu’il fut, n’a jamais possédé, tu es Infaillible. Tu es plus grand que le plus grand des mortels ; tu es plus grand que Dieu. Son œuvre achevé, Dieu se repentit ; il l’engloutit dans le déluge ; toi, l’Infaillible, tu ne dois, tu ne peux te tromper, tu ne peux te repentir. Tu te plains, et tu es monté si haut que tu dépasses Dieu ; il est ton serviteur, tu ordonnes et Dieu t’obéit.

—Et que m’importe la grandeur ! que m’importe l’infaillibilité ! si l’impitoyable vieillesse brise mon corps, emporte mes dents, obscurcit mes sens et ne me laisse qu’une sensation : la torpeur. Que m’importe la grandeur si les ulcères de mes jambes me clouent dans un fauteuil et m’enlèvent l’appétit, ce bien que possède le plus misérable des fils de la terre. C’était l’éternelle jeunesse, l’éternelle jouissance qu’il fallait me donner.

—Imbécile ! que la mort est lente à achever ton corps qui déjà n’est qu’un sépulcre blanchi !… pensa