Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/156

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—Monter au ciel ! moi, si vieux, si infirme ? répétait-il avec le geste et la voix de l’idiotie.

—L’air nouveau, les plaisirs du voyage te ragaillardiront. Au ciel, Dieu touchera tes hémorroïdes. Le médecin te prédit une nouvelle fistule à l’anus ; le doigt du Tout-Puissant assainira ton fondement. Allons, dépêche-toi de monter au ciel, je gouvernerai à ta place.

La fistule était l’argument irrésistible d’Antonelli.

—Mais tu ne me mettras pas à la porte quand je reviendrai, dit l’Infaillible troublé.

—Oh ! Saint-Père, moi, votre fidèle serviteur !

—Bien ! je monterai au ciel ! — Mais je te ferai surveiller, pensa l’homme blanc.

—Si tu pouvais te rompre le cou en route, répliqua mentalement l’homme rouge.


II

Le Pape, avant de prendre son billet pour l’autre monde, se vêtit de ses ornements les plus beaux ; par précaution il emplit sa bourse. Il se souvenait du conseil de l’hôtelier qui sacra Don Quichotte chevalier : un peu d’argent et quelques chemises sont indispensables en voyage.

Le Pape arriva à la porte du Paradis vers les onze heures du soir. Il y avait encore de la lumière dans la loge du concierge. Il frappa gentiment ; — pas de réponse. Il frappa rudement ;

—Saint-Pierre s’empressa