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Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/167

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sa queue, indifférent aux doux regards de l’amoureuse Marie.

—Bien, je consens à redescendre sur la terre ; mais auparavant je dois faire ma profession de foi.

L’Esprit-Saint se percha sur une des cornes de Saint-Joseph ; après avoir toussé et retoussé pour se mettre en voix, il s’exprima ainsi :

—Je suis membre de la Trinité ; mais je ne suis pas encroûté comme Dieu, ni écervelé comme mon fils Jésus. Je déclare à la face du Paradis que je suis pour le progrès progressif, pour la perfectibilité perfectible des hommes et des dieux ; je suis pour les chemins de fer ; je condamne les charrettes traînées par des bœufs majestueux ainsi que des académiciens ; je suis pour la lumière électrique, je condamne les chandelles qui empestent ; je suis pour les rasoirs anglais qui rasent sans écorcher ; je suis pour l’Internationale, le Communisme… Ah ! mais non ! — ma langue fourche ! — Vous comprenez, quand on a tant d’idées qui grouillent, on s’embrouille et bredouille. Je reprends : je suis pour Christophe Colomb ; je suis pour la République fédérale, parlementaire, libertaire, décentralisatrice. Tout bien considéré, la Trinité est une République fédérale, égalitaire, l’idéal de la République. Suivez bien mon raisonnement : Jésus, bien que bête, est dieu ; Dieu, bien que enragé, est dieu ; moi, bien que Esprit pur, je suis dieu, tous dieux égaux et fédéralisés. Donc…

—Mais il est indécent qu’un pigeon débite de telles énormités ! exclama le pape.

—Cher Esprit-Saint, reprit Joseph, si tu pars pour