Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pluie d’or qui tombe quand elle retrousse sa robe. Modèle d’abnégation, elle ruine ses amants pour enrichir les domestiques et les fournisseurs qui la volent.


Les artistes et les industriels s’endormiraient dans la grasse médiocrité, si la courtisane ne les obligeait à surchauffer leurs cervelles pour découvrir des jouissances nouvelles et des futilités inédites; car, assoiffée d’idéal, elle ne possède un objet que pour s’en dégoûter; elle ne goûte un plaisir que pour s’en rassasier.


La machine abrège-travail condamnerait les ouvrières et les ouvriers à l’oisiveté, cette mère des vices; mais élevant le gaspillage à la hauteur d’une fonction sociale, la courtisane augmente son luxe et ses exigences à mesure que la mécanique industrielle progresse, afin qu’il y ait pour les damnés du prolétariat toujours du travail, cette source des vertus.


La courtisane qui dévore les fortunes, qui gâche et qui détruit comme une armée en marche, les seigneurs de la fabrique et de la boutique l’adorent; elle est le génie tutélaire qui entretient la vie et la vigueur du commerce et de l’industrie.


La morale de la religion du Capital plus pure et plus élevée que celles des fausses religions du passé, ne proclame pas l’égalité humaine: la minorité, l’infi­me minorité seule est appelée à se partager les faveurs du Capital. Le Phallus, ainsi que dans le temps primitifs, ne rend plus les hommes égaux. La courtisane ne doit pas être salie par les baisers des rustres et des manants; car Dieu-Capital réserve pour ses élus les choses précieuses et délicates de la nature et de l’art.