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Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/98

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dans les ateliers et je consomme les salariés. Je transsubstantie en capital divin la vie chétive du travailleur. je suis l’infini mystère: ma substance éternelle n’est que périssable chair; ma toute-puissance que faiblesse humaine. La force inerte du Capital est la force du salarié.


3. - Principe des principes: par moi débute toute production, à moi aboutit tout échange.


4. - Je suis le Dieu vivant, présent en tous lieux: les chemins de fer, les hauts fourneaux, les grains de blé, les navires, les vignobles, les pièces d’or et d’argent sont les membres épars du Capital universel.


5. - Je suis l’âme incommensurable du monde civilisé, au corps varié et multiple à l’infini. Je vis dans ce qui s’achète et se vend; j’agis dans chaque marchandise et pas une n’existe en dehors de mon unité vivante.


6. - Je resplendis dans l’or et je pue dans le fumier; je réjouis dans le vin et je corrode dans le vitriol.


7. - Ma substance qui s’accroît continuellement coule, fleuve invisible, à travers la matière; divisée et subdivisée au-delà de toute imagination, elle s’emprisonne dans les formes spéciales revêtues par chaque marchandise et, sans me lasser, je me transvase d’une marchandise dans une autre: pain et viande aujourd’hui, demain force travail du producteur, après-demain, lingot de fer, pièce de calicot, œuvre dramatique, quintal de suif, sac de poudrette. La transmigration du Capital jamais ne s’arrête. Ma substance ne meurt pas; mais ses formes sont périssables, - elles finissent et passent.