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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/104

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MOLIÈRE.

théorie qui tienne, pas d’idées préconçues ou réfléchies sur les moyens et le but du théâtre qui ne se dissipent, lorsque le spectateur est sérieusement ému ou irrésistiblement diverti. « La principale règle est de toucher, dira lui-même Racine. Toutes les autres ne sont faites que pour parvenir à cette première. »

La grande force de Molière, comme celle de Shakespeare, fut d’avoir compris de suite, par la pratique personnelle et l’expérience quotidienne, que c’était là la vertu essentielle. Lettrés dès leur jeunesse, curieux, sagaces, sensibles, mais lettrés artistes, ils ne furent jamais, heureusement pour eux et pour nous, ni des érudits, ni des critiques, ni même des littérateurs professionnels. Ils n’en ont ni la méthode, ni les scrupules, ni le labeur solitaire et casanier, en vue de l’impression et de la lecture. Le Théâtre, avec ou sans décor, où des êtres en chair et en os, gais ou tristes, aimables ou odieux, se rencontrent, se parlent, s’adorent ou se haïssent, voilà leur atelier de travail. C’est pourquoi ils répugnent, comme les Italiens de la Commedia dell’Arte, à fixer définitivement ces explosions spontanées de sentiments et de passions qui se modifient et se complètent, pour eux, à chaque représentation, soit par le jeu même des acteurs, soit par leurs propres réflexions. Juger les auteurs dramatiques à la toise des formules scolaires ou des préjugés littéraires, c’est commettre, avec une erreur, un déni de justice. Telles concessions superficielles qu’ils aient dû faire à des formules ou préjugés en vogue, Molière et Shakespeare, de fait et au fond, s’en