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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/112

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MOLIÈRE.

cité facilement intelligible et franchement accentuée. Ce fut l’œuvre de Molière.

Dès ses débuts, les forces et les finesses particulières de son génie d’observation se révèlent dans l’importance qu’il donne au caractère de ses personnages, alors même que, pour l’ensemble, il n’est qu’un imitateur et transformateur de canevas italiens. Observation d’une acuité exceptionnelle, d’une impartialité supérieure, où s’associent des qualités souvent incompatibles ; car elle est à la fois analytique et synthétique, précise et générale, spontanée et réfléchie, mordante et bienveillante, railleuse et généreuse, satirique et morale, d’une virilité salubre et d’un bon sens imperturbable, même dans ses explosions de gaîté les plus extravagantes. Au Moyen âge, pour nous divertir et instruire, nous n’avions eu que la Farce gaillarde des vilains, la Moralité et la Sotie abstraites des bourgeois ; à la Renaissance que des pastiches littéraires joués dans les Collèges ou les Palais, devant quelques initiés. Depuis Henri IV et Louis XIII, sur les scènes publiques, c’étaient, d’une part, des pastorales à l’italienne et des tragi-comédies à l’espagnole, pour une cour internationale, d’autre part, des intermèdes de parades égrillardes et grotesques, pour les laquais et les soldats. Le divorce entre l’art aristocratique et l’art populaire s’accentuait, de jour en jour, par le développement de la tragédie classique. L’honneur de Molière, comme celui de La Fontaine, fut de renverser les barrières. Entre ces mains la comédie, rajeunie et renouvelés par la sincérité de cette observation générale, au lieu de rester l’expression