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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/117

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l’originalité.

un seul individu. Certes, il serait bien difficile de leur contester, à ceux-là, l’extraordinaire force de vie qui leur jaillit par tous les pores, gestes et paroles, et qui, depuis plusieurs siècles, soulève, chez tous les peuples, des rires inextinguibles. Mais, de même qu’on trouvait Tartuffe, Alceste, Harpagon, trop abstraits et trop raisonneurs, on trouve Pourceaugnac, Jourdain, Argan trop bouffons et trop extravagants. Comme si ce grossissement expressif des figures, par l’élimination des détails inutiles et l’accumulation des détails significatifs, n’était pas l’obligation propre de l’art théâtral et sa vertu principale ! Comme si l’on ne sentait pas, l’on ne subissait pas, l’on n’admirait pas, sous des formes diverses et par des moyens divers, le même travail d’élimination et d’exagération chez tous les maîtres de la scène, antiques ou modernes, classiques ou romantiques ! Plus leur imagination est puissante, plus leur personnalité est originale, plus leurs créations deviennent poétiques, c’est-à-dire, à la fois aussi vivantes que nous, par la réalité de leurs apparences, mais plus profondément et plus durablement vivantes que nous par la quantité de vérités actuelles et éternelles qu’elles contiennent et qu’elles fixent.

Molière, observateur et penseur, psychologue et poète, complète et achève, sur la scène comique l’œuvre commencée sur la scène tragique par Corneille, et complétée par Racine. Il est, comme eux, à certaines heures, le type du classique français au xviie siècle, mais, par bonheur, plus indépendant, il émancipe, d’avance, un art trop enchaîné dans la monotonie de sa noblesse et sa grandeur. L’aisance