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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/137

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passions et caractères.

Il n’est presque aucun de ces scénarios ingénieux, le plus souvent improvisés, intermèdes et mascarades, où le génie réaliste et comique de Molière ne se révèle, soit par de vraies comédies intercalées au milieu des pantomimes, soit par des personnages plus ou moins ridicules mêlés aux héros et héroïnes pseudo-antiques des pastorales amoureuses et légendes mythologiques. Dans les intermèdes joués et dansés, accompagnés de madrigaux et d’épigrammes, nous voyons revivre la cour toute entière de Versailles et de Saint-Germain, parmi un luxe unique de décors naturels ou artificiels, avec ses habillements et ses travestissements somptueux jusqu’à la folie, étranges jusqu’à l’extravagance, avec sa prodigalité de politesses affectées, de flatteries prodigieuses, assaisonnées d’ironies exquises et d’allusions perfides. Nous y admirons encore quelque chose de mieux ; sous les costumes baroques d’une Grèce empanachée, c’est, comme chez Racine, une peinture, tantôt vraie, tantôt idéale, des sentiments les plus élevés qui animaient encore tant de belles âmes dans ce milieu choisi. C’est dans la Princesse d’Élide, Mélicerte, les Amants magnifiques, Psyché, qu’il a fait parler aux pères et aux mères affectueux et indulgents, aux amoureux jeunes et sincères, aux épouses chastes et aimantes, le langage le plus noble à la fois, et le plus délicat.

La société moyenne, le monde bourgeois, régulier ou irrégulier, est pourtant celui que Molière connaît le mieux. Il y a grandi, il y a vécu, il en a conserva les habitudes de sens pratique, de franche parole, de libre raillerie. Il a gravi lui-même tous les échelons