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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/141

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passions et caractères.

dans la famille avaient depuis longtemps paru sur les théâtres. Les pères tyranniques et avares, les jouvenceaux et les fillettes rebelles à leur autorité, les vieillards grognons et amoureux, les valets rusés et les femmes d’intrigue au service des passions juvéniles, avaient déjà fourni à l’Antiquité et à la Renaissance des types fort accentués, mais d’une uniformité banale et fatigante. En les corrigeant et amplifiant d’après nature, en les replaçant dans la réalité complète de leur milieu, Molière en fit d’abord des êtres nouveaux, mais il fit mieux encore, il en augmenta le nombre, et, en développant, avec une méthode, une logique, une ampleur, une sûreté jusqu’alors inconnues, l’action de leurs travers et de leurs vices sur la famille tout entière, il créa vraiment la grande comédie sociale et morale.

Que de types définitifs, au moins pour les traits principaux, avant Balzac, il a déjà fixés dans ses scènes de la vie privée à Paris et en province ! D’abord, suivant leur fortune, suivant leur éducation et leur entourage, que de degrés entre ces bourgeois ! Les uns, gens de métier, comme MM. Josse, Guillaume, Dimanche, à peine sortis de la plèbe, d’autres, mieux parvenus, à leur aise, mais encore mal dégrossis et décrottés, tels que le Sganarelle du Cocu, ceux mêmes de l’École des Maris et du Mariage forcé, puis quelques-uns vraiment cossus, gros marchands, rentiers, propriétaires, férus de gentilhommerie, se frottant à la noblesse, s’en faisant rouler et duper. Arnolphe, Georges Dandin, M. Jourdain : enfin, un peu plus haut, plus rapproches ainsi du grand monde sans échapper encore,