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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/192

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MOLIÈRE.

nombre des mots ou locutions qu’il emploie, archaïsmes qu’il nous a conservés, néologismes qu’il nous a légués, aient été proscrits par les successeurs de Chapelain et de Vaugelas à l’Académie ? « Le Dictionnaire académique, dit encore justement M. Gustave Lanson, vaut pour Racine ; il est trop pauvre pour Molière et La Fontaine, qui ont besoin de signes moins éloignés et moins dépareillés des sensations naturelles. »

Que cette indépendance vis-à-vis de la syntaxe et du vocabulaire patentés aboutisse parfois, dans le feu de l’improvisation, à des incorrections bizarres, inacceptables et non viables, cela est encore vrai. Mais combien cela est plus rare qu’on ne l’a dit, et combien cela est noyé, emporté, oublié dans le flot rapide et clair du mouvement des sensations et des idées ! Les expériences faites au théâtre depuis deux siècles et demi sont décisives. Si incorrect, si pénible que, par instants , puisse être, à la lecture, le style de Molière, lorsqu’il prend vie, sur la scène, lancé par la bouche des acteurs, il passe toujours par-dessus la rampe et va frapper sûrement l’auditoire au point juste d’où jailliront le rire ou l’émotion.

Tous les hommes de théâtre sont d’accord sur ce point, acteurs, auteurs, critiques, amateurs. Sarcey, l’un de ceux qui ont le plus sérieusement répondu à Schérer, rapporte ce mot du vieux Provost : « Molière est le seul homme, au théâtre, le seul, entendez-vous, qui soit toujours facile à dire, tant sa prose et ses vers se plient à l’allure de la conversation. » Suivent quelques exemples de galimatias littéraire