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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/92

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MOLIÈRE.

Chaque hiver était, pour Molière, une cause de rechute. Mais, cet hiver-là, à toutes les souffrances d’une bronchite opiniâtre, s’en ajoutèrent bien d’autres. Le 19 février, il ne put jouer, parce que Madeleine Béjart, la vieille amie de sa jeunesse, la conseillère de toute sa vie, la fondatrice de la troupe, s’éteignait après une longue agonie. En ce moment, on monte les Femmes savantes, achevées, sans doute, durant la maladie. La première représentation est donnée le 11 mars. Nouveau triomphe, nouvelles tempêtes. L’attaque renouvelée contre la Préciosité et le Pédantisme est, cette fois, si générale et si énergique, poussée à fond avec une telle franchise de développements, une telle hardiesse de personnalités, que toutes les haines endormies se réveillent. Physiquement, Molière n’en peut plus. Moralement, il sent qu’il faiblit. Pendant qu’il prépare la représentation des Femmes savantes, sa femme accouche d’un fils qui meurt un mois après. C’était le second fils qu’il perdait. Il ne lui restait qu’une fille. Sa douleur fut profonde. Il n’avait même pas le temps de pouvoir suivre le conseil qu’il donnait naguère, en semblable deuil, à La Mothe Levayer :

Aux larmes, Le Vayer, laisse tes yeux ouverts,
Ton deuil est raisonnable, encor qu’il soit extrême,
Et lorsque pour toujours on perd ce que tu perds,
La Sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même.

Durant la maladie même de l’enfant, on avait dû déménager, quelques jours après l’accouchement, pour s’installer dans la rue Richelieu. La veille de sa mort, le dimanche 16 octobre 1672, il y avait eu,