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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/117

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

légende du mauvais goût allemand, surtout sur ce chapitre de la toilette féminine, n’a pas été inventée à plaisir. Il suffit, d’ailleurs, pour en avoir le cœur net, de causer avec une Allemande qui a vu Paris et qui se fait habiller, sinon à Paris directement, du moins chez quelque Parisien de l’avenue des Tilleuls. Bien mieux, une Allemande qui ne sera pas Berlinoise vous répondra nettement : « Ce que vous voyez là, c’est le goût berlinois, et non le goût allemand. »

Ce qui frappe surtout dans ces toilettes, c’est le manque d’unité, d’harmonie et de discrétion. La disparate entre les diverses pièces est souvent poussée jusqu’au grotesque. D’ailleurs, l’Allemand a trouvé une enseigne de génie pour ses magasins de nouveautés. Tous ces magasins, même les plus distingués, celui d’où parfois l’impératrice fait venir ses toilettes, arborent, cyniquement, cette enseigne caractéristique : Mode-Bazar. Et vraiment, toutes ces dames se sont affublées à leur fantaisie de pièces et de morceaux ramassés dans un bazar de la mode.

Après cela, pas une qui soit bien coiffée, ni bien chaussée. La démarche est sans grâce, les gestes sont trop naturels, les voix fortes et monotones, les rires sans nuances.