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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/227

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UNE VENGEANCE À BERLIN

un malaise subit et quelconque, comme d’usage. Il alla jusqu’au bout, stupidement, follement, sentant le fatidique éventail qui battait toujours. La déroute fut complète et sans excuse.

Le morceau fini, il se leva plus gauchement qu’un Allemand. Un silence glacial pire qu’une bordée de sifflets, un silence très public berlinois, encore aggravé de quelques bravos compatissants, fut le seul verdict et le seul adieu de ce public qui se hâtait vers le vestiaire avec de petits rires.

Dans les coulisses, Jean s’excusa auprès des organisateurs qui l’attendaient et se précipita vers la sortie. Il attendit vainement son monstre : plus de dame, plus d’éventail. Il courut à son adresse. Elle n’était pas là et ne rentrerait pas de la soirée.

Jean dut aller retrouver les organisateurs de son concert dans la salle à manger de l’hôtel. Des membres de la presse étaient là. On festoya à ses frais, mais on n’eut que des sourires sceptiques pour son histoire de l’éventail.

S’il avait pu rester encore un jour à Berlin ! Impossible. Demain soir, concert à Hambourg !

À minuit, l’express l’avait repris.

« C’est égal, songeait-il, il faut que je