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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/51

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

modes, des talons non pas hauts, mais très hauts. À propos du furieux tapement de semelle qu’on appelle ici le pas d’ordonnance et dont la nécessité apparaît si peu, un officier me raconte que ce pas est le meilleur exercice pour mater le soldat. Et il ajoutait ce fait qu’en 1871, autour de Paris, pendant le siège même, l’énervement de toute cette campagne, la joie du retour prochain mettaient de l’indiscipline parmi les troupes et qu’on eut recours au tapement des pieds, le jarret tendu, plusieurs heures par jour, ce dont le résultat ne se fit pas attendre.

Mais le salut militaire est absolument entré dans les mœurs. Sortez le matin de bonne heure, vous verrez des employés, employés civils, se connaissant et se rencontrant, porter négligemment la main à leur front, militairement, en disant : « Morgen… Morgen… Bonjour, bonjour… » J’ai même vu ceci. Un vieux landau de famille s’arrête devant l’Opéra. Le cocher est un domestique quelconque, en gibus fané et tenue quelconque. Or, les cochers de cour, tandis qu’on monte et qu’on descend, tiennent leur main à leur front, militairement. La famille descend de voiture et voilà ce cocher vermoulu qui porte la main au front et ne l’abaisse que lorsque le