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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/79

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

d’elle à la cour, elle reprit sa liberté dès qu’elle eut donné un héritier à la couronne. Dès lors, elle fut toute à ce rôle de souveraine dont elle se faisait un idéal noblement dénudé, mais singulièrement imposant. Elle est arrivée ainsi à composer un étrange personnage, artificiel, mais logique et fascinant, qui a séduit tous les ambassadeurs à Berlin et tous les visiteurs un peu civilisés, à finir par M. de Lesseps.

À propos de M. de Lesseps, une parenthèse. Je ne m’étonnerais pas que l’idée première de sa visite à Berlin ait été discrètement soufflée par l’impératrice elle-même. Au thé que la souveraine donne à peu près tous les soirs, chaque fois qu’on parlait du « Grand Français », et c’était là un sujet favori de son ami le duc de Sagan, qui tient volontiers le dé de la conversation à la table de l’impératrice, chaque fois la même conclusion arrivait : « Dire que j’aurais pu faire sa connaissance, lors de l’Exposition ! Un malentendu m’en a empêchée. J’eus aussi l’occasion de voir M. Michel Chevalier et tous ces Messieurs (les Saint-Simoniens), mais M. de Lesseps n’était pas là. Hélas ! le verrai-je jamais ? » Un mince prétexte s’est présenté, une décoration conférée à notre ambassadeur, M. Herbette, et dont son