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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/272

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MÉDITATIONS

Et pour les retrouver il nous faut, dans son cours,
Remonter flots à flots le long fleuve des jours.
Nature, firmament ! l’œil en vain vous contemple :
Hélas ! sans voir le Dieu, l’homme admire le temple ;
Il voit, il suit en vain, dans les déserts des cieux,
De leurs mille soleils le cours mystérieux ;
Il ne reconnaît plus la main qui les dirige :
Un prodige éternel cesse d’être un prodige.
Comme ils brillaient hier, ils brilleront demain !
Qui sait où commença leur glorieux chemin ?
Qui sait si ce flambeau qui luit et qui féconde,
Une première fois s’est levé sur le monde ?
Nos pères n’ont point vu briller son premier tour,
Et les jours éternels n’ont point de premier jour.
Sur le monde moral en vain ta providence
Dans ces grands changements révèle ta présence,
C’est en vain qu’en tes jeux l’empire des humains
Passe d’un sceptre à l’autre, errant de mains en mains ;
Nos yeux, accoutumés à sa vicissitude,
Se sont fait de la gloire une froide habitude :
Les siècles ont tant vu de ces grands coups du sort !
Le spectacle est usé, l’homme engourdi s’endort.

Réveille-nous, grand Dieu ! parle, et change le monde ;
Fais entendre au néant ta parole féconde :
Il est temps ! lève-toi ! sors de ce long repos ;
Tire un autre univers de cet autre chaos.
À nos yeux assoupis il faut d’autres spectacles ;
À nos esprits flottants il faut d’autres miracles.
Change l’ordre des cieux, qui ne nous parle plus !
Lance un nouveau soleil à nos yeux éperdus ;
Détruis ce vieux palais, indigne de ta gloire ;
Viens ! montre-toi toi-même, et force-nous de croire !