Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
317
POÉTIQUES.


Ici, sur la scène du monde
Se leva ton premier soleil.
Regarde : quelle nuit profonde
A remplacé ce jour vermeil !
Tout sous les cieux semblait sourire :
La feuille, l’onde, le zéphire,
Murmuraient des accords charmants.
Écoute : la feuille est flétrie ;
Et les vents sur l’onde tarie
Rendent de sourds gémissements.

Reconnais-tu ce beau rivage,
Cette mer aux flots argentés,
Qui ne fait que bercer l’image
Des bords dans son sein répétés ?
Un nom chéri vole sur l’onde !…
Mais pas une voix qui réponde,
Que le flot grondant sur l’écueil.
Malheureux ! quel nom tu prononces !
Ne vois-tu pas parmi ces ronces
Ce nom gravé sur un cercueil ?…

Plus loin, sur la rive où s’épanche
Un fleuve épris de ces coteaux,
Vois-tu ce palais qui se penche,
Et jette une ombre au sein des eaux ?
Là, sous une forme étrangère,
Un ange exilé de sa sphère
D’un céleste amour t’enflamma.
Pourquoi trembler ? quel bruit t’étonne ?
Ce n’est qu’une ombre qui frissonne
Aux pas du mortel qu’elle aima.