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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/413

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POÉTIQUES.

Toi qui rendais la force à mon âme affligée,
Esprit consolateur, que ta voix est changée !
On dirait qu’on entend, au séjour des douleurs,
Rouler, à flots plaintifs, le sourd torrent des pleurs.
Pourquoi gémir ainsi, comme un souffle d’orage,
À travers les rameaux qui pleurent leur feuillage ?
Pourquoi ce vain retour vers la félicité ?
Quoi donc ! ce qui n’est plus a-t-il jamais été ?
Faut-il que le regret, comme une ombre ennemie,
Vienne s’asseoir sans cesse au festin de la vie,
Et, d’un regard funèbre effrayant les humains,
Fasse tomber toujours les coupes de leurs mains ?
Non : de ce triste aspect que ta voix me délivre !
Oublions, oublions : c’est le secret de vivre.
Viens, chante, et, du passé détournant mes regards,
Précipite mon âme au milieu des hasards !

De quels sons belliqueux mon oreille est frappée !
C’est le cri du clairon, c’est la voix du coursier ;

La corde de sang trempée
Retentit comme l’épée
Sur l’orbe du bouclier.






La trompette a jeté le signal des alarmes :
Aux armes ! et l’écho répète au loin : Aux armes !
Dans la plaine soudain les escadrons épars,
Plus prompts que l’aquilon, fondent de toutes parts,
Et sur les flancs épais des légions mortelles
S’étendent tout à coup comme deux sombres ailes.
Le coursier, retenu par un frein impuissant,
Sur ses jarrets pliés s’arrête en frémissant ;