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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/67

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DE LA POÉSIE.

conviction est que nous sommes à une de ces grandes époques de reconstruction, de rénovation sociale ; il ne s’agit pas seulement de savoir si le pouvoir passera de telles mains royales dans telles mains populaires ; si ce sera la noblesse, le sacerdoce ou la bourgeoisie qui prendront les rênes des gouvernements nouveaux, si nous nous appellerons empires ou républiques : il s’agit de plus ; il s’agit de décider si l’idée de morale, de religion, de charité évangélique, sera substituée à l’idée d’égoïsme dans la politique ; si Dieu dans son acception la plus pratique descendra enfin dans nos lois ; si tous les hommes consentiront à voir enfin dans tous les autres hommes des frères, ou continueront à y voir des ennemis ou des esclaves.

L’idée est mûre, les temps sont décisifs ; un petit nombre d’intelligences, appartenant au hasard à toutes les diverses dénominations d’opinions politiques, portent l’idée féconde dans leurs têtes et dans leurs cœurs ; je suis du nombre de ceux qui veulent sans violence, mais avec hardiesse et avec foi, tenter enfin de réaliser cet idéal qui n’a pas en vain travaillé toutes les têtes au-dessus du niveau de l’humanité, depuis la tête incommensurable du Christ jusqu’à celle de Fénelon. Les ignorances, les timidités des gouvernements nous servent et nous font place ; elles dégoûtent successivement dans tous les partis les hommes qui ont de la portée dans le regard et de la générosité dans le cœur : ces hommes, désenchantés tour à tour de ces symboles menteurs qui ne les représentent plus, vont se grouper autour de l’idée seule ; et la force des hommes viendra à eux s’ils comprennent la force de Dieu, et s’ils sont dignes qu’elle repose sur eux par leur désintéressement et par leur foi dans l’avenir.

C’est pour apporter une conviction, une parole de plus

ŒUVR. COMPL. — I.